Le Horla
Guy de Maupassant (1850-1893)
(Première version)
Le docteur Marrande, le plus illustre et le
plus éminent des aliénistes, avait prié trois de
ses confrères et quatre savants, s'occupant de sciences
naturelles, de venir passer une heure chez lui, dans la maison de
santé qu'il dirigeait, pour leur montrer un de ses malades.
Aussitôt que ses amis furent réunis, il
leur dit : "Je vais vous soumettre le cas le plus bizarre et le plus
inquiétant que j'aie jamais rencontré. D'ailleurs, je
n'ai rien à vous dire de mon client. Il parlera lui-même."
Le docteur alors sonna. Un domestique fit entrer un homme. Il
était fort maigre, d'une maigreur de cadavre, comme sont maigres
certains fous que ronge une pensée, car la pensée malade
dévore la chair du corps plus que la fièvre ou la phtisie.
Ayant salué et s'étant assis, il dit
: Messieurs, je sais pourquoi on vous a réunis ici
et je suis prêt à vous raconter mon histoire, comme m'en a
prié mon ami le docteur Marrande. Pendant longtemps il m'a cru
fou. Aujourd'hui il doute. Dans quelque temps, vous saurez tous que
j'ai l'esprit aussi sain, aussi lucide, aussi clairvoyant que les
vôtres, malheureusement pour moi, et pour vous, et pour
l'humanité tout entière.
Mais je veux commencer par les faits
eux-mêmes, par les faits tout simples. Les voici :
J'ai quarante-deux ans. Je ne suis pas marié,
ma fortune est suffisante pour vivre avec un certain luxe. Donc
j'habitais une propriété sur les bords de la Seine,
à Biessard, auprès de Rouen. J'aime la chasse et la
pêche. Or, j'avais derrière moi, au-dessus des grands
rochers qui dominaient ma maison, une des plus belles forêts de
France, celle de Roumare, et devant moi un des plus beaux fleuves du
monde.
Ma demeure est vaste, peinte en blanc à
l'extérieur, jolie, ancienne, au milieu d'un grand jardin
planté d'arbres magnifiques et qui monte jusqu'à la
forêt, en escaladant les énormes rochers dont je vous
parlais tout à l'heure.
Mon personnel se compose, ou plutôt se
composait d'un cocher, un jardinier, un valet de chambre, une
cuisinière et une lingère qui était en même
temps une espèce de femme de charge. Tout ce monde habitait chez
moi depuis dix à seize ans, me connaissait, connaissait ma
demeure, le pays, tout l'entourage de ma vie. C'étaient de bons
et tranquilles serviteurs. Cela importe pour ce que je vais dire.
J'ajoute que la Seine, qui longe mon jardin, est
navigable jusqu'à Rouen, comme vous le savez sans doute ; et que
je voyais passer chaque jour de grands navires soit à voile,
soit à vapeur, venant de tous les coins du monde.
Donc, il y a eu un an à l'automne dernier, je
fus pris tout à coup de malaises bizarres et inexplicables. Ce
fut d'abord une sorte d'inquiétude nerveuse qui me tenait en
éveil des nuits entières, une telle surexcitation que le
moindre bruit me faisait tressaillir. Mon humeur s'aigrit. J'avais des
colères subites inexplicables ? J'appelai un médecin qui
m'ordonna du bromure de potassium et des douches.
Je me fis donc doucher matin et soir, et je me mis
à boire du bromure. Bientôt, en effet, je
recommençai à dormir, mais d'un sommeil plus affreux que
l'insomnie. Ë peine couché, je fermais les yeux et je
m'anéantissais. Oui, je tombais dans le néant, dans un
néant absolu, dans une mort de l'être entier dont
j'étais tiré brusquement, horriblement par
l'épouvantable sensation d'un poids écrasant sur ma
poitrine, et d'une bouche qui mangeait ma vie, sur ma bouche. Oh ! ces
secousses-là ! je ne sais rien de plus épouvantable.
Figurez-vous un homme qui dort, qu'on assassine, et
qui se réveille avec un couteau dans la gorge ; et qui
râle couvert de sang, et qui ne peut plus respirer, et qui va
mourir, et qui ne comprend pas -- voilà !
Je maigrissais d'une façon
inquiétante, continue ; et je m'aperçus soudain que mon
cocher, qui était fort gros, commençait à maigrir
comme moi.
Je lui demandai enfin :
"Qu'avez-vous donc, Jean ? Vous êtes malade."
Il répondit :
"Je crois bien que j'ai gagné la même
maladie que Monsieur. C'est mes nuits qui perdent mes jours."
Je pensai donc qu'il y avait dans la maison une
influence fiévreuse due au voisinage du fleuve et j'allais m'en
aller pour deux ou trois mois, bien que nous fussions en pleine saison
de chasse, quand un petit fait très bizarre, observé par
hasard, amena pour moi une telle suite de découvertes
invraisemblables, fantastiques, effrayantes, que je restai.
Ayant soif un soir, je bus un demi-verre d'eau et je
remarquai que ma carafe, posée sur la commode en face de mon
lit, était pleine jusqu'au bouchon de cristal.
J'eus, pendant la nuit, un de ces réveils
affreux dont je viens de vous parler. J'allumai ma bougie, en proie
à une épouvantable angoisse, et, comme je voulus boire de
nouveau, je m'aperçus avec stupeur que ma carafe était
vide. Je n'en pouvais croire mes yeux. Ou bien on était
entré dans ma chambre, ou bien j'étais somnambule.
Le soir suivant, je voulus faire la même
épreuve. Je fermai donc ma porte à clef pour être
certain que personne ne pourrait pénétrer chez moi. Je
m'endormis et je me réveillai comme chaque nuit. On avait bu
toute l'eau que j'avais vue deux heures plus tôt.
Qui avait bu cette eau ? Moi, sans doute, et
pourtant je me croyais sûr, absolument sûr, de n'avoir pas
fait un mouvement dans mon sommeil profond et douloureux.
Alors j'eus recours à des ruses pour me
convaincre que je n'accomplissais point ces actes inconscients. Je
plaçai un soir, à côté de la carafe, une
bouteille de vieux bordeaux, une tasse de lait dont j'ai horreur, et
des gâteaux au chocolat que j'adore.
Le vin et les gâteaux demeurèrent
intacts. Le lait et l'eau disparurent. Alors, chaque jour, je changeai
les boissons et les nourritures. Jamais on ne toucha aux choses
solides, compactes, et on ne but, en fait de liquide, que du laitage
frais et de l'eau surtout.
Mais ce doute poignant restait dans mon âme.
N'était-ce pas moi qui le levais sans en avoir conscience, et
qui buvais même les choses détestées, car mes sens
engourdis par le sommeil somnambulique pouvaient être
modifiés, avoir perdu leurs répugnances ordinaires et
acquis des goûts différents.
Je me servis alors d'une ruse nouvelle contre
moi-même. J'enveloppai tous les objets auxquels il fallait
infailliblement toucher avec des bandelettes de mousseline blanche et
je les recouvris encore avec une serviette de batiste.
Puis, au moment de me mettre au lit, je me
barbouillai les mains, les lèvres et les moustaches avec de la
mine de plomb.
A mon réveil, tous les objets étaient
demeurés immaculés bien qu'on y eût touché,
car la serviette n'était point posée comme je l'avais
mise ; et, de plus, on avait bu de l'eau et du lait. Or ma porte
fermée avec une clef de sûreté et mes volets
cadenassés par prudence n'avaient pu laisser
pénétrer personne.
Alors, je me posai cette redoutable question : Qui
donc était là, toutes les nuits, près de moi ?
Je sens, messieurs, que je vous raconte cela trop
vite. Vous souriez, votre opinion est déjà faite : "C'est
un fou." J'aurais dû vous décrire longuement cette
émotion d'un homme qui, enfermé chez lui, l'esprit sain,
regarde, à travers le verre d'une carafe, un peu d'eau disparue
pendant qu'il a dormi. J'aurais dû vous faire comprendre cette
torture renouvelée chaque soir et chaque matin, et cet
invincible sommeil, et ces réveils plus épouvantables
encore.
Mais je continue.
Tout à coup, le miracle cessa. On ne touchait
plus à rien dans ma chambre. C'était fini. J'allais
mieux, d'ailleurs. La gaieté me revenait, quand j'appris qu'un
de mes voisins, M. Legite, se trouvait exactement dans l'état
où j'avais été moi-même. Je crus de nouveau
à une influence fiévreuse dans le pays. Mon cocher
m'avait quitté depuis un mois, fort malade.
L'hiver était passé, le printemps
commençait. Or, un matin, comme je me promenais près de
mon parterre de rosiers, je vis, je vis distinctement, tout près
de moi, la tige d'une des plus belles roses se casser comme si une main
invisible l'eût cueillie ; puis la fleur suivit la courbe
qu'aurait décrite un bras en la portant vers une bouche, et
resta suspendue dans l'air transparent, toute seule, immobile,
effrayante, à trois pas de mes yeux.
Saisi d'une épouvante folle, je me jetai sur
elle pour la saisir. Je ne trouvai rien. Elle avait disparu. Alors, je
fus pris d'une colère furieuse contre moi-même. Il n'est
pas permis à un homme raisonnable et sérieux d'avoir de
pareilles hallucinations !
Mais était-ce bien une hallucination ? Je
cherchai la tige. Je la retrouvai immédiatement sur l'arbuste,
fraîchement cassée, entre deux autres roses
demeurées sur la branche ; car elles étaient trois que
j'avais vues parfaitement.
Alors je rentrai chez moi, l'âme
bouleversée. Messieurs, écoutez-moi, je suis calme ; je
ne croyais pas au surnaturel, je n'y crois pas même aujourd'hui ;
mais, à partir de ce moment-là, je fus certain, certain
comme du jour et de la nuit, qu'il existait près de moi un
être invisible qui m'avait hanté, puis m'avait
quitté, et qui revenait.
Un peu plus tard j'en eus la preuve.
Entre mes domestiques d'abord éclataient tous
les jours des querelles furieuses pour mille causes futiles en
apparence, mais pleines de sens pour moi désormais.
Un verre, un beau verre de Venise se brisa se brisa
tout seul, sur le dressoir de ma salle à manger, en plein jour.
Le valet de chambre accusa la cuisinière, qui
accusa la lingère, qui accusa je ne sais qui.
Des portes fermées le soir étaient
ouvertes le matin. On volait du lait, chaque nuit dans l'office. - Ah !
Quel était-il ? De quelle nature ? Une
curiosité énervée, mêlée de
colère et d'épouvante, me tenait jour et nuit dans un
état d'extrême agitation.
Mais la maison redevint calme encore une fois ; et
je croyais de nouveau à des rêves quand se passa la chose
suivante :
C'était le 20 juillet, à neuf heures
du soir. Il faisait fort chaud ; j'avais laissé ma fenêtre
toute grande, ma lampe allumée sur ma table, éclairant un
volume de Musset ouvert à la Nuit de Mai ; et je m'étais
étendu dans un grand fauteuil où je m'endormis.
Or, ayant dormi environ quarante minutes, je rouvris
les yeux, sans faire un mouvement, réveillé par je ne
sais quelle émotion confuse et bizarre. Je ne vis rien d'abord,
puis tout à coup il me sembla qu'une page du livre venait de
tourner toute seule. Aucun souffle d'air n'était entré
par la fenêtre. Je fus surpris ; et j'attendis. Au bout de quatre
minutes environ, je vis, je vis, oui, je vis, messieurs, de mes yeux,
une autre page se soulever et sa rabattre sur la
précédente comme si un doigt l'eût
feuilletée. Mon fauteuil semblait vide, mais je compris qu'il
était là, lui ! je traversai ma chambre d'un bond pour le
prendre, pour le toucher, pour la saisir, si cela se pouvait... Mais
mon siège, avant que je l'eusse atteint, se renversa comme si on
eût fui devant moi ; ma lampe aussi tomba et s'éteignit,
le verre brisé ; et ma fenêtre brusquement poussée
comme si un malfaiteur l'eût saisie en se sauvant alla frapper
sur son arrêt... Ah !
Je me jetai sur la sonnette et j'appelai. Quand mon
valet de chambre parut, je lui dis :
"J'ai tout renversé et tout brisé.
Donnez-moi de la lumière."
Je ne dormis plus cette nuit-là. Et cependant
j'avais pu encore être le jouet d'une illusion. Au réveil
les sens demeurent troubles. N'était-ce pas moi qui avais
jeté bas mon fauteuil et ma lumière en me
précipitant comme un fou ?
Non, ce n'était pas moi ! je le savais
à n'en point douter une seconde. Et cependant je le voulais
croire.
Attendez. L'Être ! Comment le nommerais-je ?
L'Invisible. Non, cela ne suffit pas. Je l'ai baptisé le Horla.
Pourquoi ? Je ne sais point. Donc le Horla ne me quittait plus
guère. J'avais jour et nuit la sensation, la certitude de la
présence de cet insaissable voisin, et la certitude aussi qu'il
prenait ma vie, heure par heure, minute par minute.
L'impossibilité de le voir
m'exaspérait et j'allumais toutes les lumières de mon
appartement, comme si j'eusse pu, dans cette clarté, le
découvrir.
Je le vis, enfin.
Vous ne me croyez pas. Je l'ai vu cependant.
J'étais assis devant un livre quelconque, ne lisant pas, mais
guettant, avec tous mes organes surexcités, guettant celui que
je sentais près de moi. Certes, il était là. Mais
où ? Que faisait-il ? Comment l'atteindre ?
En face de moi mon lit, un vieux lit de chêne
à colonnes. A droite ma cheminée. A gauche ma porte que
j'avais fermée avec soin. Derrière moi une très
grande armoire à glace qui me servait chaque jour pour me raser,
pour m'habiller, où j'avais coutume de me regarder de la
tête aux pieds chaque fois que je passais devant.
Donc je faisais semblant de lire, pour le tromper,
car il m'épiait lui aussi ; et soudain je sentis, je fus certain
qu'il lisait par-dessus mon épaule, qu'il était
là, frôlant mon oreille.
Je me dressai, en me tournant si vite que je faillis
tomber. Eh bien !... On y voyait comme en plein jour... et je ne me vis
pas dans ma glace ! Elle était vide, claire, pleine de
lumière. Mon image n'était pas dedans... Et
j'étais en face... Je voyais le grand verre, limpide du haut en
bas ! Et je regardais cela avec des yeux affolés, et je n'osais
plus avancer, sentant bien qu'il se trouvait entre nous, lui, et qu'il
m'échapperait encore, mais que son corps imperceptible avait
absorbé mon reflet.
Comme j'eus peur ! Puis voilà que tout
à coup je commençai à m'apercevoir dans une brume
au fond du miroir, dans une brume comme à travers une nappe
d'eau ; et il me semblait que cette eau glissait de gauche à
droite, lentement, rendant plus précise mon image de seconde en
seconde. C'était comme la fin d'une éclipse. Ce qui me
cachait ne paraissait point posséder de contours nettement
arrêtés, mais une sorte de transparence opaque
s'éclaircissant peu à peu.
Je pus enfin me distinguer complètement ainsi
que je fais chaque jour en me regardant.
Je l'avais vu. L'épouvante m'en est
restée qui me fait encore frissonner.
Le lendemain j'étais ici, où je priai
qu'on me gardât.
Maintenant, messieurs, je conclus.
Le docteur Marrande, après avoir longtemps
douté, se décida à faire seul, un voyage dans mon
pays.
Trois de mes voisins, à présent, sont
atteints comme je l'étais. Est-ce vrai ?
Le médecin répondit : "C'est vrai !"
Vous leur avez conseillé de laisser de l'eau
et du lait chaque nuit dans leur chambre pour voir si ces liquides
disparaîtraient. Ils l'ont fait. Ces liquides ont-ils disparu
comme chez moi ?
Le médecin répondit avec une
gravité solennelle : "Ils ont disparu."
Donc, messieurs, un Être, un Être
nouveau, qui sans doute se multipliera bientôt comme nous nous
sommes multipliés, vient d'apparaître sur la terre.
Ah ! vous souriez ! Pourquoi ? parce que cet
Être demeure invisible. Mais notre oeil, messieurs, est un organe
tellement élémentaire qu'il peut distinguer à
peine ce qui est indispensable à notre existence. Ce qui est
trop petit lui échappe, ce qui est trop grand lui
échappe, ce qui est trop loin lui échappe. Il ignore les
bêtes qui vivent dans une goutte d'eau. Il ignore les habitants,
les plantes et le sol des étoiles voisines ; il ne voit
même pas le transparent.
Placez devant lui une glace sans tain parfaite, il
ne la distinguera pas et nous jettera dessus, comme l'oiseau pris dans
une maison qui se casse la tête aux vitres. Donc, il ne voit pas
les corps solides et transparents qui existent pourtant ; il ne voit
pas l'air dont nous nous nourrissons, ne voit pas le vent qui est la
plus grande force de la nature, qui renverse les hommes, abat les
édifices, déracine les arbres, soulève la mer en
montagnes d'eau qui font crouler les falaises de granit.
Quoi d'étonnant à ce qu'il ne voie pas
un corps nouveau, à qui manque sans doute la seule
propriété d'arrêter les rayons lumineux.
Apercevez-vous l'électricité ? Et
cependant elles existe !
Cet être, que j'ai nommé le Horla,
existe aussi.
Qui est-ce ? Messieurs, c'est celui que la terre
attend, après l'homme ! Celui qui vient nous
détrôner, nous asservir, nous dompter, et se nourrir de
nous peut-être, comme nous nous nourrissons des boeufs et des
sangliers.
Depuis des siècles, on le pressent, on le
redoute et on l'annonce ! La peur de l'Invisible a toujours
hanté nos pères.
Il est venu.
Toutes les légendes de fées, des
gnomes, des rôdeurs de l'air insaisissables et malfaisants,
c'était de lui qu'elles parlaient, de lui pressenti par l'homme
inquiet et tremblant déjà.
Et tout ce que vous faites vous-mêmes,
messieurs, depuis quelques ans, ce que vous appelez l'hypnotisme, la
suggestion, le magnétisme - c'est lui que vous annoncez, que
vous prophétisez !
Je vous dis qu'il est venu. Il rôde inquiet
lui-même comme les premiers hommes, ignorant encore sa force et
sa puissance qu'il connaîtra bientôt, trop tôt.
Et voici, messieurs, pour finir, un fragment de
journal qui m'est tombé sous la main et qui vient de Rio de
Janeiro. Je lis : "Une sorte d'épidémie de folie semble
sévir depuis quelques temps dans la province de San-Paulo. Les
habitants de plusieurs villages se sont sauvés abandonnant leurs
terres et leurs maisons et se prétendant poursuivis et
mangés par des vampires invisibles qui se nourrissent de leur
souffle pendant leur sommeil et qui ne boiraient, en outre, que de
l'eau, et quelquefois du lait !"
J'ajoute : "Quelques jours avant la première
atteinte du mal dont j'ai failli mourir, je me rappelle parfaitement
avoir vu passer un grand trois-mâts brésilien avec son
pavillon déployé... Je vous ai dit que ma maison est au
bord de l'eau... toute blanche... Il était caché sur ce
bateau sans doute..."
Je n'ai plus rien à ajouter, messieurs.
Le docteur Marrande se leva et murmura :
"Moi non plus. Je ne sais si cet homme est fou ou si
nous le sommes tous les deux..., ou si... si notre successeur est
réellement arrivé."
26 octobre 1886