Civilisation Québécoise et Canadienne-Française

LE CINÉMA

- Il existe depuis vingt ans un réel intérêt mondial pour le film québécois. En Europe, comme aux Etats-Unis, il se défend très bien avec parfois quelques difficultés avec la langue parlée.

Les grandes étapes

- En 1896, on montrait des films de sept minutes qui avaient été choisis dans la collection des frères Lumière (inventeurs français du cinématographe).
- En 1907, on inaugure une salle de 1200 places à Montréal. Les films projetés étaient principalement américains, mais la langue n'avait aucune importance puisqu'à l'époque du muet le film était accompagné par un pianiste et un commentateur de langue française.

Les documentaires

Un peu avant la Deuxième Guerre mondiale, deux prêtres vont faire de nombreux documentaires pour faire passer des messages d'ordre social ou technique.

Albert Tessier - Authentique pionnier du cinéma documentaire québécois, son œuvre filmique compte près de 70 films réalisés principalement entre 1930 et 1950. Les thèmes développés dans ce corpus inestimable concernent tout aussi bien la nature, la culture, l'éducation, les régions du Québec que la religion.

Maurice Proulx - Cet autre pionnier du cinéma produira par la suite cinquante films sonores et plus d'une centaine de documents filmés. Cette collection unique au monde, semble-t-il, a été donnée aux Archives Nationales du Film du Québec.

Les mélodrames

Après la guerre, on fait de longs métrages adaptés de romans ou de drames littéraires. Les spectateurs sont habitués à des héros que la radio ou le théâtre ont rendu familiers.

- En effet, la radio diffusait chaque jour un épisode d'une longue histoire qui se passait au Québec, tels "Un homme et son péché" en 1949 et "Tit-Coq" en 1953.
- Il ne faut pas oublier qu'avant l'ère de la télévision, la radio jouait un rôle très important dans chaque foyer québécois. Ainsi à l'heure donnée, toute la famille se rassemblait tous les jours pour entendre et réciter le chapelet puis pour écouter l'épisode de son histoire favorite.
- Un film qui émeut encore les spectateurs chaque fois qu'il ressort dans les salles de cinéma est: La petite Aurore l'enfant martyre [1951] de Jean-Yves Bigras.
- Les productions de l'époque plaisaient au public car elles parlaient de gens du Québec en montrant les villes, la campagne et la nature de la province.

L'Office national du film

En 1939, le gouvernement fédéral fonde cet organisme à Ottawa. En 1956, on déménage l'ONF à Montréal. Ce déplacement va stimuler la créativité des cinéastes québécois et la télévision facilite la diffusion des films, mais la direction de l'ONF n'autorise pas encore la production et le tournage de longs métrages en français.

Durant la Seconde Guerre mondiale, les films sont axés sur la participation militaire canadienne. Le Premier ministre québécois, Maurice Duplessis, mènera, dans sa logique politique, une lutte contre l'ONF. En effet, il y voyait un outil de centralisation fédéral dangereux. John Grierson, le premier commissaire de cet organisme, ne tardera pas à créer des problèmes d'ordres linguistiques. Il ne juge pas nécessaire de réaliser des films en français.

Alors que le mandat de l'ONF est de réaliser l'unité canadienne, il est lui-même tourmenté par les divergences et les partis pris raciaux. En avril 1957, Guy Roberge est le premier Canadien français à occuper la place de commissaire.

L'histoire

- A partir de 1960, le cinéma québécois essaie d'affirmer sa place dans le domaine des activités culturelles du Québec. Mais il doit affronter la concurrence de la France qui produit d'excellents films et qui récolte une clientèle traditionnelle au Québec. Sans parler des Etats-Unis, dont la production est très riche et qui contrôle la distribution dans tout le continent nord-américain.
- Cette situation ne va pas favoriser le Québec qui aura difficile à leur opposer une industrie cinématographique nationale.

Les années soixante

- C'est pendant ces années que le cinéma québécois va peu à peu s'affirmer. Le cinéaste Pierre Perrault fait des films avec non pas des acteurs, mais des personnages qui tiennent à l'écran le rôle qu'ils ont dans la vie.
- Pierre Perrault est suivi de Claude Jutra, un autre cinéaste important qui remporte plusieurs prix internationaux à travers sa carrière.

Claude Jutra

- Fils de médecin, il s'intéresse très tôt au cinéma mais doit poursuivre des études en médecine qu'il termine à vingt-deux ans. Cependant, il ne pratiquera jamais, le cinéma et les arts dramatiques le passionnant par-dessus tout. Dès les débuts de la télévision, il écrit L'école de la peur (1953), le premier téléthéâtre original diffusé à Radio-Canada. Associant le cinéma à la télévision, il anime une série de treize émissions, Images en boîte (1954), consacrée au septième art. Il répétera l'expérience avec la série Cinéma canadien (1961).
- À partir de 1954, il est associé, de façon intermittente, à l'ONF où il réalise d'abord des films dans la tradition du documentaire. Ses premiers essais professionnels l'amènent à coréaliser A Chairy Tale (1957) avec Norman McLaren. Il y interprète le rôle d'un homme aux prises avec une chaise désobéissante. Le traitement métaphorique du thème de la domination et l'originalité de la technique de pixillation, (la pixillation est le tournage image par image de mouvements d'objets ou de personnes, en laissant des intervalles entre chaque mouvement), ont rendu célèbre ce film qui remporte plusieurs prix.
- Et puis vient À tout prendre (1963), première fiction de style direct et de nature autobiographique réalisée au Québec. Cette production indépendante, amateur dans le meilleur sens du terme, s'appuie sur un travail d'improvisation des comédiens basé sur leurs propres souvenirs.Le film obtient le Grand Prix au Festival du cinéma canadien et le Canadian Film Award du meilleur long métrage de fiction.
- En 1971, il réalise Mon oncle Antoine , le plus célèbre des films québécois. Ayant pour toile de fond la chronique d'une petite ville minière, le film examine la vie de Benoit, un adolescent qui, initié au monde adulte, découvre la sexualité et la peur de la mort. Jutra atteint un bel équilibre dans sa manière de raconter une histoire à la fois drôle et tragique. Jugé meilleur film canadien de tous les temps en 1984, le film obtient huit Canadian Film Awards, dont deux du meilleur film et de la meilleure réalisation.
- En 1984, le gouvernement du Québec remet à Jutra le prix Albert-Tessier. Atteint d'une maladie affectant sa mémoire, il s'enlève la vie en 1986.

Le cinéma direct

- C'est un "cinéma-vérité" qui montre les choses et les êtres tels qu'ils sont, ceci permet donc une très forte identification du spectateur avec les personnages; le film est le reflet du pays et de ceux qui l'habitent.
- Il y a cependant des défauts qui apparaissent surtout dans les longs métrages. Le cinéaste reproduit minutieusement le réel et les spectateurs ne s'interrogent pas sur ce qui pourrait se passer par après car ils se retrouvent seuls pour répondre à leurs propres questions.
- Ce cinéma est donc destiné à une certaine élite intellectuelle qui apprécie ce genre de considérations mais le grand public boude ces productions qui pour lui n'ont ni début, ni fin.
- Cette période est cependant très riche du point de vue documentaire.
- Après le documentaire, c'est l'émancipation des moeurs avec des films de fiction où les héroïnes sont des Québécoises qui livrent leurs charmes dans des histoires et des décors familiers.
- Viennent ensuite les films qui reflètent les nouvelles préoccupations de la société québécoise avec l'engagement politique et social.
- La Société du Développement de l'Industrie Cinématographique Canadienne [SDICC] est née en 1967. Cette société décide de consacrer son budget à des films à caractère commercial, tandis que l'ONF produit des films à caractère culturel.

Les années soixante-dix

- Après les événements d'Octobre, les cinéastes vont refléter les nouvelles préoccupations de la société québécoise.
- Le cinéma québécois connaît la plus grande période de vitalité de son histoire. De 1970 à 1975, le Québec produit plus de films que tout le reste du Canada.
- On fonde plusieurs compagnies de production et on publie des revues consacrées au cinéma.
- En 1977, la création de l'Institut Québécois du Cinéma [IQC] a un effet positif sur la création cinématographique au Québec.

Les années post-référendaires

La télévision devient de plus en plus puissante en offrant des téléromans qui sont regardés par deux millions et demi de spectateurs, c'est-à-dire par un Québécois francophone sur deux.

- La situation économique est incertaine et les cinéastes plutôt que de se tourner vers un avenir douteux, regardent vers le passé et les valeurs sûres. On adapte donc des romans anciens: Maria Chapdelaine, Bonheur d'occasion et les Plouffe. On adapte également des best-sellers récents comme Le Matou.
- Il existe une certaine détresse dans le milieu cinématographique, ainsi en 1981, le budget d'un film québécois en français coûte dans les 500 000$ alors qu'un film tourné en anglais peut coûter jusqu'à huit fois cette somme.
- Les cinéastes se tournent donc vers le 16mm ou la télévision.
- Dans le long métrage, il y aura les films pour les enfants, comme la série «Contes pour tous», et les films policiers, tels que Pouvoir intime et La guêpe, mais les cinéastes québécois sont frustrés et doivent se contenter du peu d'argent que leur alloue le gouvernement fédéral.

- En 1987, Jean-Claude Lauzon réalise Un zoo la nuit, qui remporte 13 Génies sur 17. Il ridicule le montant d'argent que le gouvernement lui a donné en reconnaissance de son film, à cause de toutes sortes de contraintes gouvernementales précises associées à ce montant. La frustration de Lauzon met en lumière la détresse de tout le milieu de la production, qui doit se contenter des «miettes gouvernementales».

- La dernière décennie du siècle précédent a vu l'ONF déménager une partie de ses productions anglaises à Toronto, et les cinéastes canadien-français se tournent vers l'anglais ou décident de s'installer aux États-Unis, puisque «c'est là que ça tourne».
- Le court et le moyen métrage ainsi que le cinéma d'animation se développent et se diversifient. De ce fait, le cinéma d'animation recevra une reconnaissance mondiale en recevant quelques Oscars à Hollywood, comme Crac (1980) et L'homme qui plantait des arbres (1987) de Frédéric Back.
- C'est le film d'animation qui a fait connaître le Québec internationalement. C'est un cinéma très technique, et pour lequel il n'est pas toujours besoin de caméra; on peut en effet dessiner ou peindre la pellicule pour en tirer un résultat visuel. L'animation demande une imagination particulière et un travail gigantesque: des mois de travail pour quelques minutes de film. C'est la raison pour laquelle ces productions sont de courte durée.

- En tant que grand succès commercial jamais atteint au Québec, il y aura, en 1986, Le Déclin de l'empire américain de Denys Arcand. Ce film, malgré son manque d'action et où les personnages se retrouvent pour discuter entre eux de la situation politique et sociale de l'Amérique du Nord, remportera neuf Génies et sera mis en nomination aux Oscars. Plus tard, son Jésus de Montréal sera aussi bien accueilli; ce film remporte le Prix du jury au Festival de Cannes. Récemment, son film Les Invasions Barbares remporte un Oscar pour meilleur film étranger en 2004.
- Le cinéma québécois continue son succès avec des films comme C.R.A.Z.Y. (2005) de Jean-Marc Vallée qui gagne au-delà de 30 prix nationaux et internationaux, et Bon Cop, Bad Cop (2006) d'Éric Canuel, qui remporte le plus d'argent domestique que n'importe quel autre film canadien, plus de 13 millions de dollars.

- Le cinéma québécois continue son élan vers une reconnaissance internationale grâce à ses talents cinématographiques et maintenant, les cinéastes québécois semblent dominer le monde du cinéma. Jean-Marc Vallée continue son succès avec Dallas Buyers Club de 2014 (3 Oscars), Wild de 2014 et Demolition en 2015. Denis Villeneuve tourne de grands succès avec Incendies en 2010, Prisoners et Enemy en 2013, et Sicario qui vient de sortir cette année.
- Il y a aussi Philippe Falardeau avec son Monsieur Lazhar en 2011 et The Good Lie en 2014. Xavier Dolan avec J'ai tué ma mère (I Killed my Mother) en 2009 et son Mommy, 2014.
- Tous connaissent un énorme succès et représentent l’affirmation qu’aujourd’hui, les cinéastes québecois se distinguent parmi l’élite de Hollywood.

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