Civilisation Québécoise et Canadienne-Française

LA PEINTURE

- Les premiers colons avaient certainement d'autres soucis que de s'occuper à la peinture, la sculpture ou l'orfèvrerie.
- Il n'est donc pas étonnant que la peinture ne s'est développée qu'après 1830, et ce n'est qu'au XXe siècle que la société québécoise s'est intéressée à cette forme d'art.

Peinture traditionnelle

Le Régime français

- Il y a d'abord la cartographie. Champlain, lui-même, dessinait des cartes pour se rappeler les endroits où il était allé. Ces mêmes cartes allaient servir plus tard à d'autres navigateurs qui venaient en Nouvelle-France.
- Il dessinait également la flore, la faune et les coutumes des Amérindiens ce qui enchantaient les Français qui étaient à ce moment-là très curieux de ce qu'on avait découvert dans la nouvelle colonie.
- Ceci a sans doute incité quelques peintres professionnels à venir à Québec, comme le Frère Luc par exemple.

- Le Frère Luc (Claude François) est resté près de deux ans à Québec et il a aidé à la décoration des églises. Malheureusement, des incendies ont détruit la plupart de ses oeuvres. Il existe cependant quelques tableaux, il y en a un chez les Ursulines de Québec intitulé "La France apportant la foi aux Hurons de Nouvelle-France" qui lui serait attribué mais sans certitude:
Le message est clair; la France, personnage féminin couronné portant un manteau fleurdelisé, débarque d'un bateau sur le Saint-Laurent et présente à un Amérindien agenouillé et recouvert du vêtement de la civilisation, un tableau où Dieu le père, le fils et le Saint-Esprit évoquent les mêmes personnages qu'on voit trôner au ciel. Cette oeuvre allégorique bien composée montre à quel point il était utile à l'époque de savoir s'exprimer par la peinture et le dessin pour renforcer la portée de l'enseignement religieux.

- Les rares tableaux qui restent du XVIIIe siècle représentent presque tous des scènes religieuses. Il existe cependant quelques tableaux représentant des personnalités de l'époque: l'abbé Pommier peint la mère Catherine de St-Augustin et le frère Luc a peint de beaux portraits de Monseigneur de Laval et de l'Intendant Talon.

- Les pièces les plus authentiques de l'art canadien appartiennent à la peinture votive.
- Ce sont des petits tableaux qui expriment une reconnaissance à un voeu exaucé, on les appelle des ex-voto. On peut les voir aux murs des églises; certains sont très simples, de peinture naïve, d'autres sont plus raffinés mais tous expriment le drame dont s'est sorti celui qui offre le tableau en témoignage de gratitude. Quelques ex-voto connus: Ex-voto de Mme Riverin et de ses enfants, Ex-voto des trois naufragés de Lévis.

- On peignait souvent le portrait de la mère supérieure d'un couvent. Toujours très austères, ces peintures étaient exposées sur les murs du couvent. Deux peintres portraitistes reconnus: Pierre Le Ber [1669-1707], Jean Guyon [1659-1687].
- Au début du XVIIIe siècle, le peintre Michel Dessailliant a donné à ses scènes religieuses un certain mouvement qui manquait aux oeuvres précédentes.

Le Régime anglais jusqu'à l'union

- Après les scènes religieuses, la peinture profane va peu à peu se développer. Les portraitistes peignent leur clientèle bourgeoise, mais en même temps, ils vont être influencés par la tradition anglaise qui aime la nature, et les amateurs vont prendre goût aux paysages.
- Après la Conquête, les portraitistes qui avaient voyagé en France, ramènent des idées nouvelles. Les plus connus étaient: François Beaucourt [1740-1794], François Baillairgé [1759-1830] et surtout Louis Dulongpré [1754-1843].
- Dulongpré a peint plus de trois mille oeuvres et était connu dans la région de Montréal.

- Un autre peintre, d'origine autrichienne, William Von Moll Berczy [1749-1813], s'établit aussi à Montréal et peint des portraits pour la haute société.
- Les portraits ont une telle mode qu'un peintre, Jean-Baptiste Roy-Audy [mort en 1845] se fera peintre ambulant et ira de ville en ville pour satisfaire le goût de la clientèle.

- Parmi les peintres paysagistes, Joseph Bouchette [1774-1841], exécute de minutieuses aquarelles qui permettent de les graver et ainsi de propager l'amour de la nature à travers les livres illustrés.

- En 1817, un petit groupe de collectionneurs commence à s'intéresser à la peinture européenne. La collection Desjardins est mise en vente, c'est une série de 200 tableaux venus de Paris, et acquis surtout par des paroisses. Cette vente recommence le goût de la peinture religieuse et de nombreux peintres feront des copies des grands maîtres européens [Murillo, Champaigne, Le Brun], ce qui mènera à une assez grande influence sur les artistes canadiens.
- Le peintre Joseph Légaré [1795-1855] commence par restaurer les tableaux de la collection Desjardins, puis se met à peindre lui-même. Ses portraits sont d'une grande sensibilité et ses scènes historiques dénotent l'influence du romantisme anglais, allemand et français. Il est attiré par le macabre et la mort, mais ses paysages grandioses en font un peintre de classe.

Autour de 1850

- Étant donné le nombre toujours croissant d'églises, les peintures sacrées sont en forte demande. Cependant, la mode est au portrait et l'élite canadienne va copier l'élite anglaise en se faisant portraiturer.

- Le portraitiste Antoine Plamondon [1804-1895] va à Paris se perfectionner chez les romantiques Géricault et Delacroix. Quand il revient à Québec, il devient célèbre et forme d'autres peintres.
- Un de ses disciples, Théophile Hamel [1817-1870], part aussi pour l'Europe et en revient avec un talent certain qui va lui assurer une nombreuse clientèle.
- On retrouve chez ces deux peintres, Plamondon et Hamel, une similarité de style: forme méticuleusement modelée et dessin précis des contours sur le mouvement et la couleur. On note cependant chez Hamel l'influence d'une tradition anglaise dans le portrait en plein air.

- Zacharie Vincent [1812-1896], est le chef des Hurons d'Ancienne-Lorette. Il est peintre et il a fait des autoportraits à différents moments de sa vie.

- Le dessin, de tradition britannique, va se développer au Québec, vers 1834, avec Robert Todd, Martin Somerville et William Bartlett. Tous dessinent des paysages québécois.
- Vers 1840, on va voir arriver des artistes étrangers venant des États-Unis, d'Italie, de Hollande et d'Allemagne. Ils apportent de nouvelles techniques et de nouveaux procédés, ce qui va stimuler les peintres canadiens d'origine qui voyaient en ces étrangers des concurrents formidables.

- L'un d'entre eux, Cornélius Krieghoff [1815-1872], d'origine hollandaise, s'installe à Montréal.
- Ses débuts sont difficiles, mais il se fait connaître assez rapidement.
- Il peint des paysages typiquement québécois: des scènes d'hiver avec des tempêtes de neige, des scènes automnales hautes en couleurs, des scènes d'Indiens et des scènes de la vie rustique.
- Ses toiles sont de dimensions réduites, ce qui les rend facilement vendables, et ses acheteurs sont surtout des Anglais et des Américains désireux de connaître les paysages du Québec.
- Ses origines flamandes en font un peintre réaliste qui détaille les formes, qui utilise des couleurs vives et contrastées et qui suggère le mouvement par la posture des personnages.
- Sa clientèle s'agrandit si vite qu'il va faire des lithographies à partir de ses toiles.
- L'influence de Krieghoff sera importante et ses dessins à sujet populaire seront reproduits dans des journaux illustrés.
- Une de ses peintures s’est vendue pour $307,000 en 2006.

De la Confédération à la Première guerre mondiale

L'académisme

Les portraitistes connaissent une période calme grâce à l'arrivée de la photographie; plusieurs d'entre eux sont obligés de se recycler dans d'autres fonctions. Plusieurs fréquentent les Académies de Paris, où ils reçoivent de "bonnes" techniques sans grande originalité.
- Horatio Walker [1858-1938]. Il est né en Ontario et formé en Europe. Il tombe à tel point amoureux de l'île d'Orléans qu'il s'y installe et peint de nombreuses scènes de paysannerie québécoise. Dans ses tableaux, l'harmonie et la paix semblent régner entre la nature, les hommes et les animaux.
- De ses toiles, il vient une certaine nostalgie qui les rend très populaires parmi les acheteurs new-yorkais.

Les peintres de la fierté nationale

La mode de la peinture rustique de la campagne avait été lancée par Krieghoff mais Henri Julien [1852-1908] va faire connaître la mode de la caricature. Il travaille pour le journal Montréal Star et dans ses dessins de scènes rustiques d'anciens Canadiens, il exprime des qualités de société avec une authenticité extraordinaire.
- Vers la fin du XIXe siècle, on construira de nombreux édifices publics, tels que hôtels de ville, gares, palais de justice, qui demanderont des décorations de tableaux représentant pour la plupart des scènes historiques. C'était une façon d'exprimer la fierté nationale.
- On a choisi Charles Huot (1855- 1930) pour peindre de très grands tableaux historiques pour orner le Salon bleu (salle des débats de l'Assemblée Nationale) ainsi que le Salon rouge (ancien Conseil législatif) du Parlement de Québec. Il avait des talents variés, et il choisit le paysage et les personnages pour ses autres peintures.

Les héritiers de l'impressionnisme

L'impressionnisme comportait plusieurs innovations, des techniques qui contribueront à l'évolution de la peinture au XXe siècle. Les peintres décomposent la lumière et utilisent des couleurs pures juxtaposées sans mélange, en touches larges ou en touches minuscules, abandonnant le contour précis et le structuré, pour avoir plus un effet global. Ils créent ainsi une "atmosphère" qu'ils transposent dans leurs tableaux. De plus, ils préfèrent la peinture de chevalet en plein air qui permet la plus exacte reproduction de la lumière.
- Ce mouvement, venu de France, va avoir des répercussions sur la peinture québécoise du début du XXe siècle. Trois peintres se tourneront vers cette évolution non conformiste de la peinture: William Brymner (1855-1925), Maurice Cullen [1866-1934] et James Wilson Morrice [1865-1924]. Des peintures de Cullen et de Morrice se sont vendues récemment pour au-delà d’un million de dollars.

Vers une peinture québécoise

- Marc-Aurèle de Foy Suzor-Côté [1869-1937]. Il a, en certains cas, des points communs avec Maurice Cullen, sans laisser tomber la tradition du terroir mise à la mode par Krieghoff. Dans ses premières oeuvres, il a touché à tous les genres, plus tard, il tombe sous le charme des impressionnistes.
- C'est également un peintre intimiste qui dessine avec finesse et une main sûre de vieux paysans québécois; il a fait quelques bronzes vers la fin de sa carrière de peintre.

- Clarence Gagnon [1880-1942]. Après un séjour à Paris, ce montréalais d'origine s'éprend pour la côte de Charlevoix. Ce lieu, qu'il a mis à la mode, sera fréquenté par des artistes-peintres qui apprécieront la beauté des paysages. Gagnon peint de beaux paysages d'automne aux couleurs vives et des paysages d'hiver où les silhouettes des maisons campagnardes semblent danser sur un fond de neige.

- Ozias Leduc [1864-1955]. Il est différent des peintres de son époque parce qu'il s'intéresse très peu aux courants de renouveau de la peinture française. Il est avant tout un peintre décorateur d'églises, mais il peint également des scènes domestiques: un verger de pommiers en fleurs, une corbeille d'oignons sur un coin de table ou la concentration d'un visage occupé à lire ou à jouer de l'harmonica. Dans ses scènes domestiques, on trouve un calme intimiste et dans ses oeuvres religieuses, un contenu mystique.
- À part Ozias Leduc, les autres peintres québécois de cette époque dépendent de l'enseignement qu'ils reçoivent au Canada ou en France. Ils voyagent de plus en plus entre Montréal, Québec et Paris et sont sensibles aux différents mouvements.

Peinture moderne et contemporaine

L'entre-deux guerres

- Le groupe des sept (Lawren Harris, A.Y. Jackson, Arthur Lismer, Frank Johnston, J.E.H Macdonald, F.H. Varley et Franklin Carmichael) à Toronto. Un anglophone, montréalais d'origine, A.Y. Jackson, décide de s'installer à Toronto où va se développer le goût d'une peinture nationale, canadienne et non plus d'importation.
- Il est rejoint par Tom Thomson [décédé en 1917] qui oriente le groupe vers une peinture vigoureuse et colorée. Puis, viennent se joindre à eux, F.H. Varley et A.J. Casson.
- De ce groupe, trois peintres séjournent régulièrement au Québec et l'un d'entre eux, Arthur Lismer, devient professeur à Montréal.
- Avec une prédilection pour les paysages "sauvages" et une détermination à séduire le public par des couleurs simples et contrastées, ce groupe va stimuler l'intérêt des peintres québécois.

Les écoles des Beaux-Arts

- Le développement démographique et économique de Montréal va accentuer les différences qui existent déjà entre la ville de Québec et la métropole. On décide donc de fonder deux écoles des Beaux-arts, une à Québec et l'autre à Montréal. Il existe en fait une rivalité entre les deux villes qui va stimuler les professeurs aussi bien que les étudiants de ces deux institutions.

Les regroupements montréalais

D'un côté, il y a la côte du Beaver Hall avec ses peintres anglophones, dont plusieurs femmes, telles que Prudence Heward, Lilias Torrance Newton et Mabel May, et de l'autre, les peintres de la pente Saint-Michel, moins "intellectuels" qui restent dans la tradition rustique du paysage québécois.

- En 1938, le peintre John Lyman [1886-1967] regroupe autour de lui des peintres des régions de l'Est.
- John Lyman et Fritz Brandtner [1896-1969], deviennent les défenseurs de l'art contemporain et ils contribuent à une ouverture d'esprit qui n'était pas courante parmi les peintres francophone.
- Ces deux peintres, Lyman et Brandtner, sont certainement influencés par les mouvements modernes européens; Lyman se tourne vers les Fauves et Matisse, tandis que Brandtner se tourne vers les cubistes et les surréalistes.

- Marc-Aurèle Fortin [1888-1970]. Peintre solitaire qui rejette les influences et qui innove constamment.
- Il voulait, disait-il, créer une école du paysage canadienne complètement détachée de l'école européenne. C'était un amoureux de la nature mais il restait très personnel dans sa vision. Il accentue l'importance du plan pictural en supprimant les détails et en éliminant la perspective des collines de ses paysages.
- Fortin est le premier des grands peintres modernes du Québec et un des meilleurs paysagistes de l'ensemble du Canada.
- Il a utilisé des techniques différentes de celles utilisées jusque-là pour peindre de nombreux paysages québécois; par exemple, il brossait des couleurs claires sur un fond préliminaire passé au noir ou au bleu foncé et donnait à ses arbres des formes remarquables ou hallucinantes.

De l'Europe à l'Amérique

- A cause des deux guerres mondiales consécutives, les centres artistiques sont déplacés. Paris, qui avait été la capitale occidentale de l'art jusqu'en 1914, est remplacée par Genève [Suisse], New-York, Berlin [Allemagne] et Zurich [Suisse].
- Après la deuxième Guerre mondiale, c'est New-York qui a la suprématie culturelle mais Montréal accueille aussi toutes sortes d'énergies nouvelles parmi les artistes.
- Quelques artistes québécois qui vivaient dans la capitale française reviennent au pays, comme, par exemple, Alfred Pellan, qui revient au Québec après 14 ans de séjour à Paris.

Les années quarante et cinquante

Alfred Pellan [1906-1988]

Il séjourne longtemps à Paris et adopte le surréalisme dont il avait suivi l'évolution dans la capitale française. En 1943, il est nommé professeur à l'École des Beaux-Arts de Montréal et il reçoit des peintres et des étudiants dans son atelier où il leur fait apprécier le surréalisme.
- En 1948, une quinzaine de peintres se regroupent autour de Pellan dans une exposition.
- Ce groupe laisse à chaque membre une liberté d'expression personnelle ce qui permet à chacun de poursuivre une carrière prometteuse.
- Pellan est, comme eux, un individualiste qui s'essaie à plusieurs domaines: décoration de théâtre, peinture des murs de maison, murales pour les constructions publiques, vitraux, etc.
- Dans ses peintures, Pellan mêle la fantaisie, l'humour et le mystère. Ses tableaux sont hautement colorés et le surréalisme l'influence dans l'arrangement étrange de formes représentatives.
- On a dit de lui qu'il était "le premier artiste nord-américain à avoir réussi la synthèse de l'art populaire et de l'art savant."

Borduas et les automatistes

C'est avec Ozias Leduc que Paul-Émile Borduas [1905-1960] commence son apprentissage. Il va à Paris en 1930 pour s'améliorer. Quand il revient au Québec, il sera impliqué dans l'arrivée de l'art moderne dans la province.
- En 1942, il expose des gouaches [tableaux faits avec de la peinture de consistance pâteuse] qui révèle ses préférences pour l'abstraction.
- Il est professeur à l'École du meuble et il s'entoure de jeunes peintres iconoclastes, c.à.d. qui cherchent à renoncer tout ce qui est attaché au passé et à la tradition.
- C'est un peintre automatiste, c.à.d. un peintre qui recommande vivement la non-figuration ainsi qu'une peinture libérée du contrôle de la raison et de la tradition. Contrairement aux surréalistes, il choisit l'aspect automatique de la création comme le font les expressionnistes abstraits dont les oeuvres sont appelées "Action painting" à New-York.
- D'après lui, il faut développer son accès à l'inconscient, il faut le geste spontané et s'exprimer comme un enfant dans son dessin en refusant les contraintes de tout ordre.
- Il aura de nombreux admirateurs, ce qui va lui permettre plusieurs expositions.

- Après la Deuxième Guerre mondiale, Maurice Duplessis est au pouvoir en tant que premier ministre de la province et il préfère s'occuper de l'agriculture plutôt que de la culture. Il n'a aucune confiance dans les artistes et leur donne une sourde opposition. - En 1948, cette situation va pousser Borduas à écrire un manifeste contestataire qui sera signé par 16 personnes dont des peintres, un photographe, des poètes, des dramaturges et des artistes de la scène.
- Ce manifeste: "Refus Global", est écrit d'un ton passionné, violent et anticlérical. On dit de Borduas qu'il est trop autoritaire et misogyne, ce qui lui fait perdre son poste de professeur et l'amène à quitter Montréal pour New-York, puis Paris où il mourra.
- Ses oeuvres de la période automatiste montrent une spontanéité du mouvement et des couleurs qui manifestent ses sentiments: par exemple son oeuvre "Sous le vent de l'île".
- Plus tard, il peint des toiles en noir et blanc avec ça et là un trait de couleur vive. Ces dernières oeuvres sont plus sérieuses et reflètent peut-être son amertume et une certaine angoisse.
- En 1988, pour le 40e anniversaire de la parution de son "Refus global", le Musée des Beaux-Arts de Montréal a organisé une exposition des oeuvres de Borduas. Les Québécois ont donc pu apprécier l'ensemble d'une oeuvre qui est à l'origine de la peinture moderne québécoise.

La peinture non-figurative

En dix ans, le Québec a gagné une réputation internationale dans le domaine de la peinture grâce à une multitude de peintres de formations divers.
- Il existait quelques tensions entre Pellan et Borduas mais ces tensions ont contribué à faire développer l'art pictural.

- 1. Parmi les peintres qui faisaient partie du groupe Pellan: Goodridge Roberts est le peintre le plus figuratif. Il peint des paysages et des natures mortes qui expriment un calme que l'on retrouve moins chez les autres peintres de cette période.
- Jacques de Tonnancour ne peut se décider entre des paysages comme le fait Roberts et de grandes murales comme celles qu'il a peintes pour l'Université de Montréal.
- Léon Bellefleur se dirige vers l'art abstrait après un long séjour en France où il fréquente les surréalistes.
- Quant à Albert Dumouchel, il aura, avec Pellan, une carrière plus prestigieuse. Il jouera un rôle important dans le développement de la gravure au Québec.

- 2. Les peintres automatistes avec Borduas s'orientent carrément vers l'abstraction. Dans les années cinquante, plusieurs peintres formeront un autre groupe; ces peintres se tourneront vers la représentation géométrique.
- Jean-Paul Riopelle réside surtout en France depuis le "Refus Global". Il peint de grandes toiles très rythmées, peint parfois des aquarelles, fait de la gravure et même de la sculpture. Il a donné toute une collection de ses oeuvres au Musée du Québec. Il peint avec une sorte d'intensité joyeuse et sa production est abondante.
- Marcelle Ferron, disciple de Borduas, est la plus fervente automatiste. Ses toiles sont dessinées d'une spatule énergique avec des couleurs vives. Elle a aussi fait des vitraux pour des maisons particulières et pour quelques édifices publics.
- Jean-Paul Mousseau peint des tableaux avec un mélange contrôlé de couleurs vives mais il va s'orienter vers des murales de céramique et des "totems" en fibre de verre lumineuse. Il a fait le décor d'une discothèque où les jeux de lumière et les mannequins le rapprochent de l'art cinétique.
- Marcel Barbeau va vers la représentation géométrique inspirée du "Hard Edge" américain puis vers le "Op Art". Les surfaces pigmentées de ses toiles sont encerclées de bords très nets et très précis.
- Fernand Leduc va, comme Riopelle, quitter le Québec pour s'installer à Paris. Il abandonnera le surréalisme et l'automatisme pour se tourner vers une peinture plus formelle, plus réfléchie et très plastique; ce sera la série des "Microchromies".

Des plasticiens aux formalistes

En 1955, plusieurs peintres forment le groupe des plasticiens. Les plasticiens vont plus loin que les automatistes; ces derniers exprimaient leurs pulsions profondes qui déterminaient la forme du tableau. Les plasticiens et les formalistes, eux, ne travaillent que sur la forme, les lignes, les couleurs et les structures. Ils travaillent de façon nette les contours, peignent avec du ruban à masquer et jouent sur le voisinage des couleurs et de la lumière.
- Cette recherche plastique tentera de nombreux jeunes artistes.
- Dans les années 60 et 70, des automatistes comme Fernand Leduc et Marcel Barbeau se tourneront vers ce genre de peinture abstraite. -- Il est à noter qu'à Montréal, à cette époque, il y avait une véritable admiration pour ce type d'abstraction, ce qui séduisait de nombreux jeunes peintres.

La peinture figurative

- Après la Deuxième Guerre mondiale, c'est la grande vogue de l'art abstrait, cependant, un très grand nombre de peintres ne suivent pas ce mouvement et servent les acheteurs avec des tableaux qui plaisent, qui rappellent des paysages du pays et ainsi, gardent leur importance dans le marché de l'art.
- Les peintres figuratifs. Ce sont des peintres indépendants et différents les uns des autres.

- Jean-Paul Lemieux, né en 1904, peint des scènes plus sobres où les personnages sont à peine esquissés. Ses tableaux d'une intensité dramatique rare sont chargés d'émotion et de tendresse. Il est apprécié par les Européens et les Russes qui ont fait une grande rétrospective de ses oeuvres.

- La plupart des peintres tels Jean Dallaire, Albert Dumouchel, Roland Giguère, Kittie Bruneau, Stanley Cosgrove vivent à Montréal, alors que d'autres tels Jeanne Rhéaume, Fernand Leduc ou Riopelle ont choisi de vivre en Europe en revenant régulièrement au Québec.

- Antoine Dumas, lui, célèbre la ville de Québec en la peignant avec vénération. Il la peint avec exactitude, parfois triste mais avec beaucoup de tendresse.

- Il est à noter que la réputation de l'École de Montréal est aussi bien accueillie que l'École de Paris ou celle de New-York, et le nombre impressionnant de galeries à Montréal sont ouvertes pour les goûts de tout un éventail de collectionneurs.

La peinture en trois dimensions

- Dans les années 70, on voit de plus en plus les arts se mélanger l'un à l'autre. Il n'y a plus de frontières entre la peinture et la sculpture, la peinture et l'architecture, la peinture et la littérature et entre la peinture et l'environnement.
- Ainsi on trouve des peintures avec des textes poétiques, de l'acier peint et des mobiles de plexiglas, des tableaux avec des ombres qui représentent des animaux, des toiles avec des branches et de la corde, de la peinture qui dégouline sur la toile en longues gouttes, des boîtes, de la pierre, des planches colorées, du tapis, etc.
- Il y a une multiplication de groupes et d'artistes dont la liste serait trop longue à énumérer. Citons néanmoins Luc Béland, Yves Bouliane, Paul Béliveau, Mario Côté, Michèle Drouin, Thérèse Joyce-Gagnon, Michel Lagacé, Suzelle Levasseur, Marc Seguin, Joanne Corno.