Dans un pays couvert de forêts où le bois est le matériau de base qui sert à l'habitation, au chauffage, à la construction navale ou à la défense, il est naturel que l'on se sente attiré vers la sculpture dès qu'il s'agit d'ornementation. La sculpture apparaît dans la vraie vie des Québécois, comparativement à la peinture qui demeure un art très distancé du réel quotidien du colon et qui a besoin d'outils plus raffinés et de matériaux délicats.
C'est sans doute la raison pour laquelle cet art a connu dès les débuts de la colonisation française une certaine popularité et pourquoi il s'est développé rapidement après la Conquête, avant de décliner dans la deuxième moitié du XIXe siècle, puis de reprendre sa vigeur plus tard, surtout au-delà des années quarante et de la Révolution Tranquille.
- Au début de la colonisation,
la sculpture sert d'abord à orner les églises et les chapelles.
Etant donné que le bois est le matériau le plus accessible, c'est
donc la sculpture en bois ou sur bois qui va prévaloir au Québec.
- L'église sera le premier lieu où le colon puis l'habitant pourront
voir des oeuvres d'art.
- On se rappellera que le même homme peut être à la fois
menuisier, sculpteur ou architecte; ce sont donc les mêmes artisans qui
travaillent le bois.
- Le bois qui tente les premiers
sculpteurs est le chêne; son grain serré le rend difficile à
travailler mais il reste un bois noble et presque indestructible.
- Pour la facilité du travail, on va lui préférer des bois
plus tendres, plus souples et moins coûteux; de toute façon, on
les recouvrait de pigment ou de dorure ce qui cachait le grain du bois.
- Le pin était d'accès facile et de plus il se sculptait et se
recouvrait aisément. On va donc opter pour ce bois malgré ses
sérieux inconvénients: en effet, il est sensible aux intempéries
et pourrit par l'intérieur surtout quand il est recouvert de peinture
imperméable qui l'empêche de sécher.
- On fera quand même des statues de saints pour l'extérieur des
églises et on les couvrira de feuilles de plomb, de zinc ou de cuivre.
Ces métaux étant relativement facile à mouler.
- Pour faire les statuettes du tabernacle ou du retable, on utilisait qu'une
seule pièce de bois, mais pour faire des statues grandeur nature, on
cherchait des arbres dont la forme naturelle pouvait servir pour la sculpture.
- On se servait le moins possible d'assemblages à cause de leur fragilité.
Quelques statues seulement avaient le bras tendu ou le bras plié. En
général, la forme était ramassée avec les bras le
long du corps et le socle faisait partie de la même pièce de bois
ce qui ajoutait à la solidité de la sculpture.
- Le bois était rarement présenté
à nu. Il était recouvert de dorure ou parfois d'argenture.
- Ce sont des communautés religieuses féminines qui se chargeaient
de la dorure. En effet, c'est une longue opération (17 étapes)
qui demande extrêmement de doigté.
- Les feuilles d'or minces et souples épousent parfaitement la sculpture
et mettent en valeur les détails du modelé mais l'or coûte
très cher et bientôt on le remplacera par la polychromie, c.à.d.
l'application de plusieurs couleurs. La couleur du visage et des mains demandait
cependant une grande maîtrise des mélanges de pigments.
- Petit à petit, les industries de peintures vont faire des progrès
et on délaissera les anciennes méthodes des mélanges de
pigments pour des produits prémélangés.
- A l'occasion on se servait d'autres matériaux pour compléter
une sculpture: on les habillait de tissus raide et épais ou de la toile
qui était ensuite dorée ou peinte.
- Parfois on trouve aussi de petites statues en cire ou en papier-pâte.
- La plupart des sculptures religieuses
sont anonymes. Mais, grâce aux recherches dans les archives on a fini
par connaître avec certitude le nom des sculpteurs qui ont produit un
grand nombre de ces oeuvres.
- Le métier de sculpteur s'apprend rarement dans les écoles d'arts
et métiers; le métier s'apprend surtout en atelier avec un maître.
Ce maître voulait passer son savoir aux meilleurs apprentis qui étaient
en général ses fils ou ses neveux.
- C'est ainsi que le maître Noël Levasseur a fomé ses
fils, François-Noël et Jean-Baptiste Antoine. Cette
famille de sculpteurs a duré tout le XVIIIe siècle avec d'autres
comme Jacques LeBlond, Gilles Bolvin et les frères Labrosse.
- Après la Conquête, les églises qui avaient subi des dommages importants, soit par le feu ou les bombardements, sont reconstruites. Il faut donc les aménager avec de nouvelles statues. - Un Français, le sculpteur Philippe Liébert, vient de Fontainebleau pour s'installer à Montréal. Il favorise le style baroque qui apparaît dans le traitement des drapés, la position des bras et la ligne générale du corps.
- Un autre sculpteur, Louis Quévillon,
affectionne également ce style et il travaille les courbes et les volutes
en exagérant parfois les décorations.
- Les Canadiens vont cependant préférer la simplicité,
la robustesse et la solidité à la complication du style baroque.
- En 1741, un jeune homme qui deviendra le père d'une longue lignée de sculpteurs-architectes s'occupe de décorer l'Hôtel-Dieu à Québec; il s'appelle Jean Baillargé. Contrairement à Liébert, il préfère un style plus classique. Plus tard, son fils François et son petit-fils Thomas vont continuer l'oeuvre de Jean en respectant les lignes droites et les colonnes cannelées.
- La sculpture sur bois va être
détrônée par une méthode beaucoup moins chère
importée d'Italie: le moulage de plâtre.
- En effet, alors que la sculpture sur bois doit être chevillée
sur le mur, le moulage de plâtre est simplement collé. De plus,
la peinture, que le plâtre absorbe littéralement, a des coloris
presque inaltérables.
- L'effet est certainement moins artistique et d'un goût quelque peu douteux
mais, on peut donner à ces statues des attitudes plus extatiques, l'air
éthéré, les yeux au ciel, les joues trop roses et les longues
draperies bleu marial; tout cela pour donner l'impression que la sainteté
s'éloigne du réel. Les motifs des décors ne sont que mornes
répétitions.
- En 1858, un Italien, Thomas Carli, fonde un atelier de plâtres
à Montréal avec un autre Italien, Petrucci. Cet atelier
va fournir les statues pour les églises du Québec; il ne fermera
ses portes qu'en 1972.
- Malgré cette industrie du plâtre, quelques sculpteurs du bois
vont quand même continuer la tradition: André Paquet, Jean-Baptiste
Côté, Berlinguet et Louis Jobin. Ce dernier est
un statuaire exceptionnel, il produit des milliers de statues que l'on vient
chercher de toute l'Amérique du Nord.
- D'autres sculpteurs de bois: Henri Angers, Lauréat et Robert Vallière, Noël Levasseur.
- Le marché le plus important
des sculpteurs de bois était l'ornementation des églises.
- Le grand oeuvre des ornemanistes est surtout le retable qui entoure l'autel:
colonnes, dômes, frises, de nombreuses statuettes, chapiteaux, guirlandes,
niches etc... tous les styles sont permis.
- Les thèmes démontrent les dévotions québécoises:
la sainte Famille, saint Joseph, la Sainte Vierge et son enfant, Ste Anne (mère
de Marie), et tous les autres saints.
- Les sculpteurs copiaient souvent soit une oeuvre importée, soit une gravure ou une image. Il y avait de temps en temps des oeuvres originales mais on peut dire que la sculpture québécoise suivait les tendances religieuses de l'époque.
- Il existe beaucoup moins d'oeuvres
artisanales profanes que d'oeuvres sacrées. Ainsi, les sculptures qui
nous restent sont plus récentes, comme par exemple l'Indien qu'on mettait
à la porte des bureaux de tabac (tabagies) pour rendre hommage aux premiers
utilisateurs du tabac. Le sculpteur Louis Jobin en a fait un grand nombre.
- Il y a également les figures de proue faites pour orner les bateaux
et les chars allégoriques immenses que l'on commandait pour le défilé
de la Saint-Jean-Baptiste.
- Au début du XXe siècle, un autre sculpteur, Médard
Bourgault, dans sa petite ville de Saint-Jean-Port-Joli, avait commencé
par fabriquer des figures sacrées. Il va cependant se tourner vers la
sculpture profane avec des figurines de petite taille qui représentent
des situations de la vie rurale.
- Ses petites oeuvres étant très appréciées auprès
des touristes, son frère et ses fils ont continué la tradition
et ont créé à Saint-Jean-Port-Joli un véritable
centre culturel de la sculpture sur bois.
- Grâce à l'hiver très
rigoureux, la glace devient un matériau très accessible mais malheureusement
de courte durée. Ce n'est que par les nombreuses photos que l'on peut
apprécier l'habileté des sculpteurs sur glace.
- C'est surtout lors du Carnaval de Québec que les sculpteurs
montrent leur art sous différentes formes. Ils vont chercher des blocs
de glace le long des rives du Saint-Laurent et participent à des concours
de sculpture sur glace ou en neige en laissant toute liberté à
leur imagination.
- A la fin du XIXe siècle,
les villes prennent de l'importance et les édifices publics se parent
de statues en bronze érigées à la gloire des héros
ou des premiers habitants. Philippe Hébert et Suzor-Côté
ont sculpté de nombreuses statues en bronze.
- Cependant le plus grand artiste de cette époque est certainement Alfred
Laliberté. Il partage son temps entre des commandes officielles (statues
et monuments) et une profusion de petites statuettes (30 cm de haut) représentant
les coutumes et la vie d'autrefois. La proportion et l'équilibre des
pièces, la qualité du ciselé montrent combien il maîtrisait
son art. On a récemment exposé 925 de ses sculptures!
- Aux deux matériaux classiques,
le bois et le bronze, s'ajoutent la fonte, le fer, l'aluminium et la pierre.
- Puis viennent les matériaux moins nobles mais appréciés
par les sculpteurs d'aujourd'hui: le carton, les objets recyclés, le
ciment, les plastiques, la mousse de polystyrène, le plexiglas et la
fibre de verre.
- Au ciseau et au maillet s'ajoutent
les soudures, le brûlage, le laminage, les compressions, etc. On mélange
les matériaux: bois et fer, verre et métaux, etc.
- L'assemblage des sculptures fait maintenant partie du visuel: on voit chevilles
et boulons.
- Dans la société québécoise, comme partout ailleurs,
les expériences de toutes sortes sont de plus en plus acceptées.
- Les Amérindiens savaient
tailler le bois pour en faire soit de petites sculptures représentant
surtout des oiseaux ou de grandes sculptures, des totems, qui représentaient
des formes animales superposées et vivement colorées.
- N'étant pas un peuple sédentaire, les Amérindiens ne
voulaient pas s'encombrer de sculptures trop volumineuses pendant leurs nombreux
déplacements; ils laissaient leurs totems à l'endroit où
ils reviendraient la saison suivante et ne prenaient avec eux que les petites
statues faciles à transporter.
- Les Inuit sont des sculpteurs exceptionnels. Les animaux sont toujours présents
dans leurs oeuvres. Ils travaillent surtout la stéatite ou "pierre à
savon"; c'est un matériau tendre et facile à modeler. La stéatite
existe en plusieurs couleurs dégradantes, gris bleuté ou noir
en passant par le vert. Ils emploient aussi l'os de baleine et parfois allient
ces deux matériaux dans une même sculpture.
- La sculpture inuit offre un contour souple et des formes arrondies. Beaucoup
prisée par les collectionneurs, elle se commercialise aujourd'hui en
offrant aux touristes de pâles copies de l'art inuit.
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