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L'Église au Québec
En plantant une grande croix à Gaspé en 1534, Jacques Cartier mettait le continent sous la protection de Dieu. À la même époque, Henri VIII d'Angleterre, rompait avec l'Église de Rome et devenait Chef de l'Église d'Angleterre. Avec François 1er, roi de France, le catholicisme est une religion d'État.
En 1615, Champlain fait
venir 4 Franciscains plus connus sous le nom de Récollets pour
propager la bonne parole dans la jeune colonie.
En 1625, un groupe de Jésuites arrive à Québec;
ils apprennent la langue et les coutumes des Amérindiens pour pouvoir
les convertir et ils fondent le premier collège des Jésuites
en 1635.
En 1639, une jeune religieuse, Marie de l'Incarnation, décide de fonder
un couvent d'Ursulines à Québec où l'enseignement était
assuré aux garçons et aux filles.
Bientôt, la nécessité d'un hôpital se fait sentir
et des soeurs Hospitalières viennent s'installer à Québec.
À Montréal, en 1642, Jeanne Mance, une jeune fille, catholique
fervente, fonde l'hôpital de l'Hôtel-Dieu.
En 1657, les pères Sulpiciens assurent les pratiques religieuses
à Montréal et, en 1737, les Soeurs Grises avec Marguerite
d'Youville développent un remarquable esprit de communauté.
Monseigneur François de Montmorency-Laval est le premier évêque
de la colonie. Étant donné que le territoire est immense et que
les prêtres sont peu nombreux, il fonde le Grand Séminaire de
Québec en 1663 en espérant recruter de nombreuses vocations
parmi les habitants. Ces religieux, formés sur place et très proches
du peuple, formeront à peu près la moitié des effectifs
religieux au XVIIIe siècle.
Louis XIII et plus tard
Louis XIV veulent faire de la Nouvelle-France une colonie exemplaire. À
partir de 1627, seuls les catholiques sont autorisés à s'établir
au Canada.
Cette présence spirituelle en Nouvelle-France, que ce soit du côté
des prêtres ou du côté des bonnes soeurs, reste cependant
limitée dans les villes, mais les curés sont responsables de leur
paroisse, qu'elle soit urbaine ou rurale.
L'Église assure aussi l'enseignement à tous les niveaux et il
en est de même en matière d'assistance sociale. De plus, l'État
confie à l'Église la tenue des registres de l'état civil;
le curé va même parfois faire un travail de notaire.
Après la Conquête : 1760-1840
L'Angleterre, contrairement à la France, protège une minorité protestante et enlève à l'Église catholique le pouvoir que lui avait donné la France; elle veut supprimer tout lien de la colonie avec la France et avec Rome.
Cependant l'Église incite les Canadiens à la fidélité envers les conquérants et à la soumission au nouvel État; cette attitude va créer un anticléricalisme parmi l'élite montante.
Au début du XIXe
siècle, les Jésuites et les Récollets ne restent pas dans
le Québec; seuls les Sulpiciens ont décidé de rester dans
la région de Montréal. Cependant les 7 communautés de religieuses,
tolérées par les Britanniques grâce à leurs services
à la communauté, restent dans la province.
Vers 1840, il existe
seulement deux diocèses qui s'occupent de 241 paroisses; il n'y a que
330 prêtres pour s'occuper de 500.000 fidèles, ce qui oblige les
prêtres à aller de chapelles en chapelles pour donner le service
religieux.
Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, pour empêcher
les fils d'habitants pauvres de partir vers les États-Unis, l'Église
va inciter ceux qui habitent le bord du fleuve, à cette époque
territoire surpeuplé, à coloniser les Cantons de l'Est, la Beauce,
le Saguenay. Plus tard, ce sera la Mauricie, les Pays d'en Haut, le Lac-St-Jean
et le Témiscamingue.
Ce sont des prêtres qui sont à la tête des mouvements de
colonisation; ils organisent tout (moyens de transport, partage des terres neuves,
etc). Ces prêtres généreux et dévoués enseignent
à leurs fidèles que la langue et l'agriculture sont gardiennes
de la foi.
Les diocèses vont
se multiplier et la position sociale du curé de paroisse devient une
de choix. Cependant, le pouvoir autoritaire de ces curés est astreignant;
ils exigent de la part de leurs fidèles une obéissance aveugle.
Pour ceux qui refusent, c'est l'excommunication.
Les institutrices sont de plus en plus nombreuses au niveau de l'école
primaire, surtout dans les milieux ruraux; le travail est difficile et elles
sont mal payées, mais ce sont des femmes généreuses qui
veulent dispenser un certain savoir aux enfants.
Le niveau de l'école secondaire est offert par les séminaires
qui ne forment pas que des prêtres; ce sont en même temps des collèges
classiques qui orientent les élèves vers des professions libérales.
Ils enseignent le français, le latin, le grec, la rhétorique et
la philosophie.
Au niveau universitaire, c'est l'Université Laval créée
en 1852. Elle se trouve sous la direction des prêtres du Séminaire
de Québec jusqu'en 1970.
Des communautés religieuses, entre autres les Frères des Écoles
Chrétiennes, sont fondées un peu partout et s'occupent non
seulement du bien-être social mais aussi des services à la communauté.
Première moitié du XXe siècle: l'Église triomphante
Le Québec est entré dans l'ère industrielle. Grâce aux voies de communications qui sont très bonnes et aux qualités de la main d'oeuvre, de nombreuses petites manufactures et usines, dont la direction et les capitaux sont majoritairement anglais ou américains, se sont installées dans la province (la confection du vêtement, le textile, la chaussure, les pâtes et papier, etc).
Cependant, à côté
des hommes d'affaires anglophones et protestants, il y a des Canadiens français
qui ouvrent des manufactures et des grands magasins. Tout ceci provoque un exode
vers les villes: la population rurale qui était de 62% en 1900, ne l'est
plus qu'à 25% en 1960.
Face à ces changements sociaux et méfiante envers le matérialisme
qui s'installe, l'Église va continuer à persuader ses fidèles
que l'agriculture reste la meilleure idéologie.
L'Église ne tolère l'industrialisation et l'urbanisation que parce
que cela contribue à garder au Québec des gens qui autrement échapperaient
à son influence.
Au yeux du clergé, la ville représente une menace pour la société.
Les autorités catholiques vont donc condamner toutes les manifestations
de la société urbaine: le théâtre et le cinéma
ne sont pas recommandables. On permet une littérature qui défend
les valeurs traditionnelles mais on n'accepte pas la trop grande liberté
de la presse.
La carrière sacerdotale devient une carrière prestigieuse au même titre que la médecine ou d'autres professions libérales; elle partage l'attrait du pouvoir avec la carrière politique. Il y a donc de plus en plus de prêtres, 600 fidèles par prêtre, sans tenir compte des religieux en communautés. En 1940, il y avait, seulement pour les femmes, une centaine de communautés bien remplies.
Dans les années 40,
l'Église dispose d'au moins 25.000 clercs, religieux et religieuses qui
ont participé au développement de la province:
1. Au début du siècle, ils ont aidé les ouvriers à
former des syndicats catholiques.
2. Ils font preuve d'initiative dans le secteur économique en appuyant
fortement le mouvement coopératif.
3. Ils aident à l'essor des caisses populaires.
4. Certains prêtres se font cinéastes et produisent des documentaires
où le souci pédagogique et moral est évident.
5. Dans le domaine du théâtre, c'est un père qui anime la
troupe des Compagnons de Saint- Laurent.
6. Dans les années 20, par ses connaissances réputées de
la botanique à l'Université de Montréal, c'est un frère,
Marie-Victorin, qui ouvre le Québec à la recherche scientifique.
7. En outre, plusieurs ordres d'enseignants se sont voués à la
démocratisation du savoir et ont contribué à promouvoir
une plus large diffusion de la culture.
Cependant l'Église
s'embourgeoise à la fin des annés 30. On agrandit les églises,
et les presbytères (maison du curé), sont de grandes maisons élégantes.
Les anciens couvents sont magnifiques, on en trouve à Québec,
à Nicolet et à Montréal. Les couvents plus récents
sont imposants et sont situés au milieu d'immenses terrains.
L'Église se montre comme une classe sociale privilégiée
alors que le reste de la société l'est beaucoup moins. Le clergé
ne paie ni impôts ni taxes. Tout en offrant encore certains services gratuitement,
elle en fait payer d'autres (les soins médicaux coûtent très
cher et l'inscription dans les collèges classiques aussi).
Dans le but de renforcer et de rendre visible la spiritualité, l'Église
organise de grandes manifestations. Il y a les congrès eucharistiques
et de nombreux pélérinages qui attirent une foule de fidèles
venant de partout au Canada: à Sainte-Anne-de-Beaupré, au Cap-de-la-Madeleine
et à l'Oratoire Saint-Joseph.
Chez les habitants, la dévotion populaire est grande mais dans les milieux
urbains et industriels, l'Église voit son influence se réduire:
dans les années 40 la pratique religieuse a fortement baissé dans
les villes.
Sécularisation et déchristianisation
En 1940, le peuple organise
une grande procession pour manifester contre la conscription et espère
recevoir l'appui de l'Église. Celle-ci refuse son appui et se rallie
au gouvernement tout en incitant les fidèles au sacrifice de leur vie
pour défendre les vieux pays.
En 1949, pendant la grève de l'amiante, l'évêque de Montréal
prend parti pour les grévistes, fait inhabituel qui va provoquer le gouvernement
Duplessis; le gouvernement obtient la démission de l'évêque.
En 1955, la catholicité québécoise comprend 55 000 prêtres,
religieuses et religieux. La pratique religieuse était automatique dans
la province, les activités de soutien étaient nombreuses et variées:
jusqu'en 1973, certains postes de radio diffusaient la récitation du
chapelet tous les jours.
Mais en 1960, les Libéraux clament " C'est le temps que ça
change " et c'est le début de la Révolution tranquille.
En arrivant au pouvoir, les Libéraux vont enlever à l'Église
plusieurs de ses prérogatives: ils vont créer plusieurs ministères
(Ministère du Bien-être social et de la Jeunesse, Ministère
des Affaires culturelles, Ministère de l'Éducation), et ils font
entrer en vigueur la Loi de l'assurance-hospitalisation. De plus, les laïcs
sont maintenant de plus en plus nombreux parmi les professeurs qui enseignent
dans les maisons d'enseignement à tous les niveaux.
À la fin des années
60, l'Église n'est plus installée confortablement sur des positions
imprenables. En effet, dans les milieux urbains, les fidèles vont de
moins en moins à l'église (moins de 20% dans les villes). Cependant
la pratique religieuse est encore fervente dans les milieux ruraux.
Parmi les institutions publiques, le système scolaire partageait les
étudiants en catholiques et en non-catholiques.
Au niveau primaire, comme au niveau secondaire, les cours d'éducation
sexuelle ou de choix de carrière se sont ajoutés au programme.
Le cours de morale est offert à la place du cours de religion. Les jeunes
peuvent donc vivre en marge de l'Église tout en critiquant certaines
façons de penser de leurs parents.
Vers les années 70, se sont infiltrées des sectes religieuses, (par exemple : les Témoins de Jéhovah, les Adventistes, les Mormons, etc.), ce qui démontre peut-être que les anciens catholiques cherchent un vide à combler? En effet, il y aurait plus de 300 sectes, groupes religieux et para-religieux au Québec.
Mais malgré cet affaiblissement, en 2011, plus de 75% des Québécois se considèrent catholiques.
On peut donc dire que l'Église a eu ses moments de gloire et de puissance de 1840 à 1940. On l'accuse d'avoir privilégier les formations intellectuelles en sciences humaines au mépris des sciences exactes, de telle sorte que certains Québécois sont souvent raisonneurs et aiment beaucoup disserter et philosopher.
Cependant, sans l'Église, le Québec d'aujourd'hui n'existerait peut-être pas, du moins pas tel qu'il est; il serait peut-être un État américain!