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La langue française au Québec
La langue que l'on parle
est celle du milieu où on l'apprend mais pour les Québécois
les problèmes sont multiples. Ils sont six millions de francophones au
milieu de 260 millions d'anglophones! Aujourd'hui les communications audiovisuelles
avec leurs publicités et leurs slogans n'aident certainement pas les
choses mais ces Québécois continuent à tout faire pour
préserver cette langue née en France et élevée sur
un autre continent.
Comme on le sait, un gros pourcentage des premiers colons venait d'Île-de-France;
c'est donc cette langue qui est aussi celle de l'administration, qui va unifier
le parler de tous les colons.
L'accent
Pour un Français,
la première chose qui frappe l'oreille c'est l'accent différent
du sien. Même en France, si l'on voyage d'une province à l'autre
on découvre différents accents.
Au Québec, il y a aussi différents accents. À Montréal,
on roule les " r " tandis qu'à Québec on les prononce
d'une façon gutturale. Dans d'autres endroits de la province on prononce
à peine les consonnes, les chuintantes (palato-alveolar fricatives)
deviennent des " h " aspirés, et les sons se simplifient :
ainsi " Je ne suis pas capable " devient " chu pa capab ".
L'articulation se perd et se transfère dans les voyelles traînantes : " mère " devient " ma-ère ", " notaire " devient " nota-ère ". Ailleurs encore on entendra " mére ", " notére ". Dans certaines régions on prononce " oi " comme " oué ", ainsi " Toi, tais-toi " devient " Toué, tais-toué ". Le " a " est souvent très fermé et se rapproche du " o " : " pâte " devient " pa-oute ". L'ajout du son " s " au " t " et au " d " est aussi une caractéristique phonétique du français du Québec, ainsi " petit " devient " p'tsi ".
Beaucoup de ces façons de prononcer ont leur origine dans les provinces françaises du XVIIe siècle. Mais alors qu'en France la prononciation a subi des transformations à la fin du XVIIIe siècle, au Québec l'isolement n'a pas favorisé ces transformations.
Les mots d'origine amérindienne
Les premiers colons en arrivant sur le territoire, ont emprunté aux Amérindiens des noms pour désigner des lieux: Natashquan, Témiscamingue, Métabetchouan, Chicoutimi, Gaspé, Rimouski, Matapédia etc. Ils ont également emprunté quelques noms communs appartenant surtout à la faune: wapiti (grand cerf), caribou (renne), pécan (martre), parmi les poissons: achigan (perche) et ouaniche (saumon d'eau douce), ouaouaron (grenouille géante) etc.
Les archaïsmes et les provincialismes
À cause d'un repli sur soi après la Conquête et un manque de communication avec la France, communication qui était interdite par les conquérants, la langue ne se développera que très peu. On trouve donc au Québec des mots qui ont disparu de la France en général mais que l'on retrouve encore dans le patois régional de certaines provinces françaises:
barrer la porte = fermer
la porte à clé (expression encore utilisée en Anjou)
une catin = poupée (aujourd'hui a un sens péjoratif en France
et est devenu : prostituée)
une trâlée = un grand nombre (mot encore utilisé en Picardie)
il mouille = il pleut (expression encore utilisée en Bretagne)
jaser = bavarder
achaler = ennuyer quelqu'un
tanner = harceler de demandes importunes
s'adonner = se livrer
conter des menteries = dire un mensonge
Les anglicismes
Les langues qui sont en
contact s'interprètent, s'influencent et empruntent des mots l'une à
l'autre. Le rapide développement de l'audiovisuel, la chanson anglo-saxonne
dont les jeunes raffolent, et les contacts commerciaux avec leur vocabulaire
technique, font que le français d'aujourd'hui emprunte à l'anglais
des mots et des expressions.
Ce problème est beaucoup plus sérieux au Québec qu'en France,
car les langues s'imposent par la force, et l'anglais est la langue dominante
de tout le continent américain. Non seulement y a-t- il des anglicismes
directs mais ce qui est plus grave, il y a des tournures, des structures et
des traductions littérales.
Les anglicismes directs sont en général des noms communs qui ne
sont pas traduits :
le vacancy (chambre à
louer);
le no-vacancy (complet);
le muffler (le silencieux);
les brakes (les freins) etc.
Mais les traductions littérales sont nombreuses. En voici quelques-unes :
le payeur de taxe = le contribuable
As-tu du change ? = As-tu de la monnaie ?
Combien t'a-t-il chargé pour ce job ? = Combien t'a- t-il demandé
pour ce travail ?
Je ne file pas. = Je ne me sens pas bien.
la badloque = la malchance
Il y a des anglicismes qui sont plus difficiles à identifier, mais ils restent cependant des traductions littérales de l'anglais :
mettre l'emphase sur = mettre
l'accent sur
éligible = admissible
définitivement = bien sûr, assurément, certainement
dépendamment = selon
On écrit également les dates et les horaires selon la norme anglaise d'Amérique du Nord:
(Québec) Oct.28,
2010 = 28 oct. 2010 (France)
(Québec) 2:00
p.m. = 14h (France)
Étant donné que le français perd un vocabulaire propre, souvent clair et nuancé au profit des anglicismes, beaucoup de Québécois, intellectuels, professionnels et gens cultivés sont inquiets et désapprouvent; une attitude vigoureuse et positive semble bien la bonne solution pour conserver la langue française au Québec.
Usages québécois
Nous avons déjà
dit que le tutoiement est très utilisé par la société
québécoise et, de plus, certaines façons de parler défient
la norme habituelle du français standard. Ces particularités sont
à condamner car elles défient les règles de grammaire.
Exemples :
La double négation
:
" y a pas personne ? " pour " il n'y a personne ? "
D'autres particularités
sont :
" autobus ", " habit " et " horaire " sont souvent
mis au féminin.
" Comment " au lieu de " combien " : " Comment ça
coûte ? "
" Mais que " pour " dès que " : " Je partirai
mais que j'aurai fini le job. "
Le " tu " explétif
des questions ou des exclamations :
" Vous voulez-tu du café ? "
" Vous allez-tu vous taire ! "
Le joual
Dès le début
du XXe siècle, beaucoup d'habitants deviennent citadins. Après
avoir vécus isolés dans leur campagne avec leur façon de
parler, ces gens vont développer de nouvelles habitudes de langage adaptées
à des conditions de vie différentes.
La plupart de ces ruraux vont travailler dans des industries qui sont en majorité
dirigées par des Anglo-saxons et le contact entre le français
rural et l'anglais industriel est quotidien. De ce contact va naître un
parler populaire, qu'on appellera le joual, (c'est dire joual pour cheval),
c'est- à-dire un parler français qui prendra des expressions et
des tournures anglaises avec une prononciation relâchée.
C'est surtout à Montréal que le phénomène prend
de l'ampleur. Le joual paraît très loin du français standard;
il est anglicisé et utilise un vocabulaire français très
restreint en le remplaçant par un vocabulaire anglais.
Les intellectuels, les
écrivains et les médias ne se servent pas de ce parler qui reste
en marge du français standard.
Malheureusement, le système scolaire a laissé faire et n'a pas
insisté sur les structures de la langue, sans parler de l'orthographe
et du vocabulaire. Peut-être était-il débordé par
une population de plus en plus importante à scolariser. Quelques écrivains
ont écrit des oeuvres en joual, des romans et des pièces de théâtre,
pour essayer de se rapprocher du peuple qui parlait cette langue imposée
par les circonstances.
Selon ces écrivains, opposer le joual à la langue française
montrait qu'on n'avait pas peur de la décolonisation et que l'on devait
parvenir à l'autonomie.
La popularité du
joual écrit n'a guère duré [de 1965 à 1973 environ];
les écrivains se sont rendu compte qu'une littérature en joual
n'avait aucun avenir.
En effet, les Québécois ne se reconnaissent pas vraiment dans
cette forme écrite; ils s'en servent dans la forme orale et préfèrent
l'entendre dans les téléromans que la télévision
offre toutes les semaines. Le joual, qui reste dans certaines couches d'une
société habituée à la tradition orale, répond
à un besoin de communication.
Langue et politique
La langue est devenue au
Québec un des sujets les plus importants en politique. Tous les jours,
on en parle dans les journaux.
Au niveau fédéral, plusieurs projets ont été mis
en oeuvre sous Pierre Trudeau pour imposer le bilinguisme. Des sommes importantes
ont été investies dans l'administration; les fonctionnaires devaient
parler les deux langues et tous les documents devaient être dans les deux
langues officielles; de plus, on a créé un Commissariat aux langues
officielles.
Dans les provinces anglophones,
on remarque un effort pour donner aux francophones quelques écoles et
quelques programmes " quand le nombre d'enfants le justifie ".
D'un autre côté, à l'heure actuelle, il existe nombre classes
d'immersion en français pour les non-francophones, sans compter les écoles
françaises.
La réduction dramatique du taux des naissances ne permet plus le renouvellement
d'une société francophone. Les Québécois risquent
donc de devenir minoritaires sur leur propre territoire.
Malgré certains efforts de la part des gouvernements provincial et fédéral,
comme l'augmentation des allocations familiales, l'aide aux garderies, les crédits
d'impôts alloués aux parents, cette situation reste préoccupante.
En effet, le petit nombre d'emplois stables disponibles n'incite pas les jeunes
couples à avoir une famille nombreuse.
Il y a aussi la question
de l'immigration. La plupart des immigrés semblent s'intéresser
davantage à la langue anglaise qui leur permet d'accéder plus
facilement aux postes offerts dans les autres provinces.
Dans certains secteurs de l'économie (finance, industrie, commerce),
l'anglicisation est inévitable et l'attrait de l'Ontario et des États-Unis
entraîne un exode qui exige de ses participants une parfaite connaissance
de l'anglais. Les francophones du Québec se sentent donc en danger et
sont sur la défensive.
Les positions gouvernementales
Sous le gouvernement Lesage (Libéral, 1960-1966) : " bien parler, c'est se respecter "; on crée l'Office de la langue française pour surveiller la qualité de la langue. Entre 1965 et 1966, on envisage les premiers échanges franco-québécois.
Sous le gouvernement Johnson (Union nationale, 1966-1968), on veut que le français soit la langue dominante au Québec. Il rend obligatoire l'usage du français dans l'étiquetage des produits alimentaires. Il intensifie la coopération avec la France.
Sous le gouvernement Bertrand
(Union nationale, 1968-1970), il y a la Loi 63 (1969) pour promouvoir
la langue française au Québec. Cette loi visait à :
- confirmer pour les parents la possibilité de choisir, entre le français
et l'anglais, la langue dans laquelle l'enseignement sera donné à
leurs enfants;
- assurer que les enfants de langue anglaise du Québec acquièrent
une connaissance d'usage de la langue française;
- assurer que les personnes qui s'établissent au Québec acquièrent,
dès leur arrivée, la connaissance de la langue française.
La conséquence est que la plupart des immigrés choisissent l'anglais
comme langue d'instruction pour leurs enfants, alors un groupe contre la loi
63 voit le jour :Le Front commun du Québec français.
Selon ce regroupement, donner le choix aux parents équivaut à
donner à la langue anglaise un statut juridique égal à
celui de la langue française. Ce groupe exige que l'Assemblée
nationale proclame l'unilinguisme français à tous les niveaux.
Il y a des débats à l'Assemblée nationale autour du projet
de loi 63, les libéraux René Lévesque et Yves Michaud réussissent
à imposer de nombreux changements et le parlement consent donc à
rebaptiser le projet de loi : " Loi pour promouvoir la langue française
au Québec ".
Sous le gouvernement Bourassa (Libéral, 1970-1976), le français est la seule langue officielle de la province, le français et l'anglais sont deux langues nationales. On insiste sur l'affichage en français et sur le français en milieu de travail.
Sous le gouvernement Lévesque
(Parti québécois, 1976-1985), la langue sera la première
priorité politique.
La Loi 101, soit la Charte de la langue française (1977),
constitue le point culminant d'un débat marqué par l'adoption
de la Loi 63 (1969) et de la Loi 22 (1974). Elle fait du français la
langue officielle de l'État et des cours de justice au Québec,
tout en faisant du français la langue normale et habituelle au travail,
dans l'enseignement, dans les communications, dans le commerce et dans les affaires.
L'enseignement en français devient obligatoire pour les immigrants, même
ceux en provenance d'autres provinces canadiennes, à moins qu'un "
accord de réciprocité " n'intervienne entre le Québec
et la province d'origine (ce qu'on désigne comme la clause Québec).
Elle donne aussi au Québec des institutions : un Conseil de la langue
française et une Commission de surveillance.
Par la suite, cette législation linguistique est profondément
transformée par une série de jugements qui en modifient le contenu
et en réduisent la portée. En 1980, la Cour suprême du Canada
confirme un jugement de la Cour supérieure du Québec qui déclare
caduc l'article de la Charte faisant du français la langue de la législation
et de la justice. En 1984, on déclare que l'article 23 de la Charte canadienne
des droits et libertés limite le pouvoir conféré par la
Loi 101 de réglementer la langue d'enseignement. Ainsi, les parents dont
les enfants ont fréquenté une école primaire de langue
anglaise ailleurs au Canada se voient reconnaître le droit d'inscrire
ces derniers dans des écoles où l'enseignement est offert en anglais
(la clause Québec est ainsi invalidée).
Durant cette même année, la Cour juge que l'usage obligatoire du
français dans l'affichage commercial public n'est pas compatible avec
le droit à la liberté d'expression.
La bataille du français n'est pas terminée; c'est une lutte journalière. Le Québec francophone représente à peine 2,4% du continent nord-américain anglophone et espagnol, et 55% des Québécois sont encore incapables de s'exprimer en anglais (Statistique Canada 2006).