Naissance du premier singe transgénique
ANDi, un macaque Rhésus né aux Etats-Unis, est
l'animal génétiquement modifié le plus proche de l'homme jamais conçu
Mis à jour le vendredi 12 janvier 2001
Date accessed: 13 January 2001
AVEC L'HUMOUR qui sied aux biologistes et aux généticiens, l'équipe du centre régional de recherche sur les primates de l'université des sciences de la santé de l'Oregon de Portland l'ont baptisé ANDi, en référence à l'insertion de l'ADN, manipulation qui est à l'origine de ce premier singe génétiquement modifié. Né il y a trois mois, l'animal, si l'on en croit ses créateurs, « se porte très bien ». « ANDi est très alerte et joue comme un enfant de son âge avec ses deux compagnons », souligne Gerald Schatten, responsable de l'équipe américaine qui donne dans le numéro du 12 janvier de l'hebdomadaire américain Science les détails de cette création. Selon ses auteurs, cette dernière « peut laisser espérer une longue lignée de primates spécialement créés pour la mise au point de traitements pour des maladies telles que le sida ou le cancer du sein ».
Sur le modèle des manipulations à l'origine des mammifères transgéniques créés ces dernières années et grâce auxquelles on espère obtenir la production de molécules pouvant être utilisées en thérapeutique, l'équipe américaine a, au moyen d'un vecteur viral, réussi à insérer un gène étranger dans le patrimoine héréditaire d'un ovocyte prélevé sur une femelle de singe Rhésus. Cette espèce appartient au genre macaque ( Macacus rhesus), de la taille d'un chien de chasse, au pelage gris-jaune, à la face cuivrée et aux callosités rouge vif. Tout, ici, n'a pas été sans mal puisqu'il aura fallu modifier puis féconder in vitro deux cent vingt-quatre ovules pour produire quarante embryons portés par vingt mères, obtenir cinq gestations qui ont produit trois singes mâles sains et deux morts-nés, tandis qu'une autre grossesse n'a pas été menée à terme.
Sur les trois nouveau-nés, ANDi est le seul à présenter une bonne intégration transgénique. En d'autres termes, son ADN additionnel et étranger a pu être déterminé en amplifiant et analysant des fragments d'ADN et d'ARN minutieusement prélevés dans sa joue, ses cheveux et les cellules de son urine, ainsi qu'en étudiant le placenta et le cordon ombilical. « Les vecteurs viraux étant programmés pour se fixer sur la surface des cellules, même lorsqu'ils sont rendus inactifs, le virus contenant le nouveau fragment d'ADN s'est rapidement attaché à l'extérieur de l'ovule de singe, explique Science. A mesure qu'il a franchi la surface de l'ovule pour atteindre l'intérieur, il a laissé derrière lui des molécules vectrices qui ont déposé le nouveau matériel génétique : un gène marqueur appelé GFP car il exprime une protéine verte fluorescente (green fluorescent protein) qui facilite sa détection. »
RECHERCHES SUR ALZHEIMER
Au-delà des explications techniques qu'ils fournissent, les auteurs de cette publication ne manquent pas de souligner tout l'intérêt potentiel de telles créations. Ils estiment notamment que l'on pourrait tout aussi facilement introduire, par exemple, un des gènes impliqués dans la maladie d'Alzheimer pour accélérer les recherches sur un vaccin contre cette affection. « De cette façon, nous espérons combler le fossé scientifique existant entre les souris transgéniques et l'homme » et il serait alors « possible d'obtenir de meilleurs résultats avec un nombre réduit d'animaux, tout en accélérant la mise au point de traitements en médecine moléculaire, explique M. Schatten, qui avait réussi en 1999 la création de Tetra, premier singe cloné. Les singes comme ANDi et Tetra, obtenus par clonage, nous permettront de déterminer rapidement et sans risque si les nouvelles thérapies sont sûres et efficaces ». Sans doute reste-t-il aussi à mesurer toute la dimension éthique d'un processus de création qui, en comblant le fossé qui sépare l'homme des souris transgéniques, pourrait bientôt rapprocher dangereusement de l'homme les singes humanoïdes.